Friday, September 6, 2013

ALAIN COETMEUR ABOUT NASSIM NICHOLAS TALEB AND COLD FUSION IN FRENCH!

Nassim Nicholas Taleb et la fusion froide

Introduction

Peter Gluck a bien noté le fait que je cite fréquemment Nassim Nicholas Taleb lors des conversations, et c'est pourquoi il m'a proposé d'écrire ce petit article qui décline la philosophie de Taleb dans le contexte de la fusion froide (LENR).
Je ne prétends pas avoir tout compris de Taleb, et cet article est donc une base de discussion. Je ne doute pas non plus que la philosophie assez radicale de Taleb ne convainque pas tout le monde.
Antifragile, comme les précédents livres de Nassim Nicholas Taleb est un livre riche, mais basé sur quelques idées simples. Taleb, un ancien trader de volatilité, d'origine levantine (Liban, Syrie), orthodoxe, éduqué en France et aux USA, écrit de façon acérée, parfois brutale et agressive contre ceux qu'il juge responsable de mettre notre société en danger de mort. Son profil me rappelle plus ou moins Nouriel Roubini, Jean-Paul Biberian, Martin Fleischmann, Dan Shetchman, et ils correspondent tous à la description de « l'étranger » dont parle Norbert Alter, cet homme ayant vécu dans une autre culture (que ce soit un autre pays, un autre métier, une autre technologie, un autre type d'organisation) qui peut comprendre que la façon dont les choses se font n'est pas la seule possible.
Voici quelques notes de lectures de Antifragile, mais aucune qui ne retient toute la substance de ce livre : [antifragile-wsj], [antifragile-continuations] , [antifragile-nytimes] , [antifragile-dunbar]. Mais le mieux reste de lire ce livre, et d'éviter le café, car ce livre peut choquer.

Les cygnes noirs (Blackswan)

Le livre « Antifragile » est un développement de l’œuvre de Taleb concernant le concept de « cygne noir », et l'importance du hasard radical, les « inconnus inconnus » voir « inconnaissables ».
Un « cygne noir » est un événement qui était supposé impossible,  car il n'avait été jamais observé. Ces cygnes noirs portent historiquement l’essentiel des catastrophes, des révolutions, des découvertes radicales, des bénéfices et des pertes financières. Ils sont ignorés, imprévisible par définition, mais dominent les événements prévisibles en importance.
Il n'y a rien de magique dans leur existence, car étant rare, mais très nombreux, il est probable que nous ne les ayons jamais vu le jour où on les observe. Toute prévision basée sur le passé est donc absurde, car elle ignore ce qui a l'impact le plus fort, les cygnes noirs. Taleb parle ainsi de l'histoire de la dinde de « Thanksgiving », qui pourrait penser que les humains sont adorables et la nourrissent bien pour son confort. Jusqu’au jour où elle sera servie au dîner. C'est ainsi que pour Taleb, l'analyse du passé trop récent avec trop de détail est dangereuse, car il donne une fausse confiance.

La prédiction des cygnes noirs du passé ?

Taleb rappelle malgré tout que « a posteriori » nous sommes souvent tentés de retrouver des raisons de prévoir les cygnes noirs dans le passé. Par exemple le tsunami de Sendai qui a tué 20000 personnes et ravagé la centrale de Fukushima, était prévisible depuis quelques dizaines d'années, car la faille sismique que l'on pensait coulissante (et donc limitée à des séismes de force 7) apparaissait finalement comme accumulant des contraintes (permettant des séisme de force 9). Dans la zone, malgré une amnésie collective, on a trouvé il y a plusieurs siècles, des traces de tsunami comparable. Mais c'est une réécriture de l'histoire, et le fait est que personne n'avait réellement intégré ces faits scientifiques.
Un autre exemple est la prévision détaille de la crise des « subprime » par Nouriel Roubini, qui comme Taleb, Fleischmann, Shechtman, Wegener, Wright, Semmelweis a été raillé par le consensus, malgré les preuves rétrospectivement évidentes.
En ce sens la fusion froide est un cygne noir caché en pleine vue, comme le séisme de Sendai. La fusion-froide va désintégrer, vitrifier, anéantir toutes les planifications, toutes les prévisions, détruire des milliers de milliards d'investissements, en en créant bien plus encore, en donnant le pouvoir à certains et en le reprenant à d'autres, vidant de leur sens des milliers de pages de réglementation et de loi. Elle redistribuera les cartes géopolitiques, les cartes sociologiques, les cartes démographiques, écologiques, scientifiques, académiques, politiques... Pourtant ce risque enthousiasmant et terrifiant, n'est même pas considéré par ceux qui pourraient en souffrir ou en bénéficier. Je ne parle pas de se positionner en pensant que la fusion froide existe forcément (comme je le fait), mais simplement de se protéger au cas improbable où la fusion froide soit réelle... comme on cherche à se protéger des astéroïdes, d'un défaut sur la dette souveraine de la France, ou du réchauffement/refroidissement climatique catastrophique. Ce fait simple, comme d'autres situations similaires me semble terrifiant d'aveuglement. C'est malheureusement un cas général, qui me désespère.
Hors du message de Taleb, cette cécité cognitive est à rapprocher des travaux de deux auteurs que j'ai découvert et qui m'ont permis de formaliser ce que j'avais observé.
D'un côté Thomas Kuhn (un résumé en anglais:  [kuhn-sj] , en français : [kuhn-cnam] ) dans « Structure of Scientific Revolutions » explique bien cette incapacité à convaincre les tenants de l'ancien paradigme. Ils sont incapables de voir les anomalies dans leurs paradigmes, incapables de considérer les preuves qui ne sont pas de leur monde. Ils sont daltoniens sur une mer de drapeaux rouges. Pour Kuhn cette cécité est à rapprocher de la transition cognitive observée durant l'observation du canard-lapin ([canard-lapin]). Une évidence quand on a accepté le point de vue, invisible avant.
De l'autre côté Roland Benabou lui présente un modèle économétrique simple qui explique rationnellement les illusions collectives et la pensée de groupe observée dans les bulles financières, certaines  catastrophes industrielles ou financières. Son modèle (voir : [benabou-delusion], et pour des exemples l'appendice « patterns of denial ») est basé sur l'observation que les humains peuvent ignorer des faits pour protéger leurs estimation de richesse, plutôt que leur richesse. Cela se produit quand les individus ne peuvent échapper aux conséquences négatives de l'illusion collective par une lucidité individuelle. Un mécanisme d'illusion collective assuré (« Mutual Assured Delusion ») stabilise le système dans une ignorance des faits dérangeants, assurée par une violence brutale contre les dissidents qui augmente quand la vérité se rapproche. L'illusion descend la chaîne hiérarchique.
Sans véritablement être poussé par Taleb ces deux concepts de cécité cognitive, soit une cécité « d'incompétence paradigmatique » pour Kuhn, soit une cécité « mutuellement assurée » pour Benabou, expliquent qu'il puisse exister des cygnes noirs alors que les informations sont publiques et les probabilités facilement estimables. D'une certaine manière c'est ce qu'en France on appelle « un éléphant dans le salon ». Un fait clair que tout le monde refuse de voir, et qui surprendra le jour où on ne pourra plus ignorer son existence.
La fusion froide sera donc un cygne noir, malgré le fait qu'elle est prouvée depuis 20 ans, et qu'il y a de fortes suspicions qu'elle soit industrialisable depuis 3 ans. C'est un éléphant dans le salon, comme la crise des « subprimes » en 2005, l'explosion de la bulle internet en 2000, et d'autres que je ne citerais pas mais qui commencent à faire du bruit dans le salon de la science consensuelle, sans que l'on ne comprenne d’où cela vient. Ce serait hilarant si ce n'était pas tragique.

Concavité, convexité, fragilité, robustesse et antifragilité

Antifragile va au-delà du concept de cygne noir pour s'attaquer à la question de comment les systèmes, financiers, biologiques, techniques, se comportent face à un cygne noir, où plus généralement à un imprévu ou à un changement d'environnement quelconque.
Taleb était trader de volatilité, et son métier lui a permis de comprendre que certaines entreprises souffrent, et d'autres profitent des surprises. C'est tout le sujet du livre que d'introduire ce concept, et notamment le mot « antifragile » qui n’existait pas, décrivant les systèmes qui profitent des surprises. Il est d'ailleurs bien instructif d'observer que ce mot n'existait pas alors que nous connaissons tous des gens, des entreprises, des communautés, des animaux, qui profitent des changements, des catastrophes, des révolutions, pour se développer. Taleb explique biens que le monde n'est pas contraint par les dictionnaires.
Il introduit un concept mathématique, celui de convexité et de concavité (voir [taleb-medconvexity]) pour expliquer comment les changements peuvent causer des effets très différents selon le système. Un système convexe va souffrir un peu de certain changements, mais va profiter beaucoup d'autres changements. Il sera « antifragile » et se développera d'autant plus vite que le monde change et le surprend. A l'opposé un système concave va profiter un peu de certains changements, mais souffrira beaucoup d'autres changements. Il sera « fragile ». Entre les deux il y aura les systèmes robustes, qui sont assez linéaires, et sans grand intérêt ici, sauf qu'il s'agit des hypothèses linéaires sur laquelle se basent les théories et les planifications de notre monde moderne.
Taleb explique ainsi que les organisations qui se basent sur des prévisions du futur, se rendent de plus en plus fragile, pour des gains de plus en plus faibles. C'est ce que font les institution financières utilisant des modèles de gestion de risques compliqués, ou les installations industrielles qui modélisent tous les risques apparemment possibles. A la première surprise, tout s'effondre. C'est aussi ce qui se produit pour tout système que l'on essaye de maintenir dans un état trop stable, humains, économies, machines. Tout a tendance à devenir instables avec le temps et les imprévus, et là les transitions sont brutales, ingérables, et les acteurs n'ont aucune expérience pour les gérer. Il dénonce ainsi le travail de la banque centrale américaine, et je ne peux que faire le parallèle avec le système français, que j'aime mais qui nous rend si fragile.
A l'opposé il parle des systèmes antifragiles. Les systèmes vivants sont naturellement antifragiles (dans des limites raisonnables). Il explique aussi que les systèmes antifragiles sont composés de composants fragiles individuellement, qui lui permette de se reconfigurer. Il parle ainsi des restaurants, des taxis, des marchés traditionnels, des espèces, des civilisations... J'y vois aussi l'économie informelle des pays en développement, qui résiste bien aux crises financières.
Maintenant en quoi la fusion froide est-elle concernée.
Quand j'ai lu l'état des papiers vers 1993, j'avais été frappé par le fait que la fusion froide apparaissait dans des situations « hors-équilibre », et bénéficiait des changements de l'environnement. J'ai aussi vu comment la méthode scientifique luttait contre ces changements au lieu d'essayer de les contrôler. La fusion froide serait donc « anti-fragile » dans une certaine mesure. Et le comportement de la science académique serait donc très « fragile ». La vision de Kozima que la fusion froide est sensible de façon « chaotique » aux paramètres confirme cette vision.
Pourtant, la communauté scientifique de la fusion froide semble grâce à sa grande variété, et à la manie  de chaque chercheur d'ajouter sa petite touche personnelle, se comporter comme un système antifragile. Elle viole la méthode scientifique en ne reproduisant pas les expériences à l'identique, pas plus que la reproduction animale n'est exacte. Cela donne à la communauté des scientifiques « non-planifiés », « non-orthodoxe » une richesse de comportement antifragile, malgré des acteurs individuels tentant désespérément de suivre leur théorie préférée, et de contraindre la réaction LENR dans un environnement stable qui ne lui convient pas, mais qui facilite la construction théorique.
Un autre point, si on suit le modèle de Thomas Kuhn, est que la science quand elle se « normalise » (au sens de Kuhn) en établissant un paradigme confortable, devient de plus en plus fragile, car elle devient incapable de profiter de ce qui sort de ses prévisions.
Une piste pour créer une version « antifragile » de la fusion froide, est évoquée dans la communauté. C'est que le manque de reproductibilité de la fusion froide lors des électrolyses, pourrait être contrôlée par l'usage d'une poudre ou mousse (ou autre composant, comme la surface du fil de Celani) dont chaque composant à une efficacité variable, et dépends des paramètres de façon variable. On peut même imaginer que les grains réactifs puissent aléatoirement activer les inactifs, ou les désactiver... Dans ce cadre, les changements pourraient réactiver une réaction dans une logique de contrôle « antifragile ». L'essentiel serait donc de maintenir une variété dans la population de grains.

Optionalité : l'essai-erreur est le secret de l'innovation

Taleb explique que le secret de l'antifragilité est « l'optionalité ». Étant financier, Taleb connaît bien le concept d'option financière, un contrat qui pour un prix modique permet d'acheter ou de vendre un bien à un prix donné, et que l'on peut ou pas utiliser selon que c'est avantageux ou pas.
Il explique que ce concept peut s'appliquer aux choix de la vie, et qu'il faut rechercher ce genre de situation où l'on peut gagner beaucoup, mais refuser de perdre si ça ne marche pas.
Il propose aussi un style d'exposition aux risques. Le but est de prendre des petits risques, sous formes d'options pour des gains illimités improbables et des pertes modestes. Il conseille aussi d'éviter les risques « contrôlés » qui ne sont jamais vraiment contrôlés, mais sous-estimés. Au final il conseille un mode de vie entre un socle de survie très solides (une épargne sûre, un métier confortable), et des prises de risques sous forme d'options sans limite de gain, mais avec des pertes acceptables.
Il explique que c'est ce que font les inventeur, les innovateurs, lors qu'il recherchent selon la méthode des « essais-erreurs »( voir [thesis-innov]). Pour lui le mieux est d'essayer tout ce qui est improbable, mais peu coûteux d’expérimenter. Il y aura un nombre important d'échecs peux coûteux, mais bien plus de réussites que prévu, et les réussites produiront des bénéfices parfois gigantesques. Il note que beaucoup de grands scientifiques et inventeurs mélangeaient un bon métier tranquille, et des recherches spéculatives (Einstein, Lavoisier,…).
Il s'attaque donc à la science planifiée, qui tente de trouver des innovations là où cela semble probable, même quand cela est coûteux. Je ne peux m'empêcher de penser à la fusion chaude (Tokamak, confinement inertiel). Il s'oppose plus généralement à tout ce qui est gros, « too big to fail », et j'y vois un rejet général de la « big physics », au profit de recherches hétéroclites. Il dénonce aussi le financement public centralisé, qui se fait au détriment du financement privé.
A l'opposé je le vois bien avoir poussé la recherche peu coûteuse sur la fusion froide, soutenir l'équipe chinoise qui teste l'EmDrive de Shaywer, soutenir les tests de fusion par cavitation, à la condition de ne pas s'entêter dans des voies sans issue. L'approche edisonienne de Rossi devrait lui plaire tout autant. Il ne serait pas plus surpris qu'une percée majeure soit faite par une bande d'ingénieurs entreprenant tentant de sauver un pays en faillite, et l'aidant à regagner sa fierté antique.
Sa position rejoint diverses positions de spécialiste de l'innovation comme Norbert Alter ([alter-innov-fr])

Enseigner aux oiseaux à voler (Lecturing birds how to fly)

Taleb est très dur envers le monde académique qui de son point de vue, tente de faire croire que la théorie permet est essentielle à la pratique des technologies.
Sur la fusion froide, je vois l'expression de ce problème dans le mépris bien visible des détenteurs de la grande physique, envers les praticiens de l'électrochimie, la radiochimie, voir récemment le mépris des inventeurs de garage, des ingénieurs.
J'observe sur la fusion froide que la focalisation sur la théorie au détriment de l'acceptation des faits expérimentaux, a fait un tort infini à la fusion froide. Cela a créé une incapacité pathologique pour les physiciens dominants d'accepter les faits. Cela a poussé les revues dominantes à exiger des positions théoriques, qui n'étaient pas encore possibles de façon solides. Cela a poussé les physiciens de la fusion froide à proposer des théories plus ou moins révolutionnaires, mais jamais irréprochables, qui ont ridiculisé le domaine. Cela a poussé, un temps, la communauté de chercheurs de la fusion froide à moquer les chercheurs comme Miley qui expérimentaient avec de l'hydrogène légère et du nickel.
Il est clair que les plus enthousiastes des supporters de la fusion froide (dont moi au début), se sont fait piéger en croyant que la fusion froide ne pouvait pas voler si on ne lui faisait pas un cours d'aérodynamique.
Comme d'habitude, l'histoire a démontré que ce sont des inventeurs de garages, des pratiquants, les chercheurs de terrain, qui ont fait les percées. D'abord de fantastiques expérimentateurs de classe internationale comme Fleischmann, McKubre ou Bockris (j'en oublie), puis pour les percées le plus folles, les plus inimaginables : un italien têtu et fantasque, blessé profondément par une injustice judiciaire, et des grec expatriés désespéré par l'effondrement de leur patrie.

L'histoire est écrite par les perdants (History being written by the losers)

Dans la suite de sa diatribe contre le monde académique, Taleb explique comment le monde académique parvient à réécrire l’histoire des innovations, pour justifier de sa propre dominance, et celle de la théorie, face aux vrais inventeurs praticiens. Il reprend divers exemples, donc celui des calculs de prix d'options financières, mais aussi le réacteur d'avion. Je pourrais compléter la liste avec les semi-conducteurs, l'avion, le réacteur nucléaire.
A chaque fois, l'histoire officielle fait croire que c'est par une percée théorique qu'une invention a vu le jour. On cache aussi l'importance des actes de harcèlement immondes, les insultes, les débats ridicules « a posteriori », et on sème le doute sur la compétence, la rigueur des inventeurs, et sur l'importance de leurs découvertes.
J'ai contacté une telle réécriture de l'histoire en France sur des sites d'information scientifique à propos de Dan Shechtman. Sur la fusion froide il semble que le film « The Believers » se prépare à accuser Fleischmann et les autres chercheurs de manque de rigueur, pour faire passer l'incompréhensible incrédulité. La façon dont l'histoire des frères Wright continue à être réécrite est édifiante.
Je m'attend donc à ce que dans les mois qui viennent, après une période de déni ridicule et de terreur désespérée contre les dissidents de la dernière heure, les média scientifiques académiques (« SciAm », « La Recherche », « Nature », « Science » « MIT », « Futura-Science ») inventent une fable ridicule pour nous, expliquant comment un laboratoire académique à découvert le moyen de prouver la fusion froide et de l'industrialiser, malgré le travail lamentables de pionniers ridicules et d'industriels incompétents.

Moins c'est plus (Less is more)

Un concept clé de la vision de Taleb est que l’information n'est pas bénéfique, mais cache les faits. Elle donne une confiance fallacieuse dans une modélisation du futur qui sera d'autant plus surprenante que le modèle est précis. Je me souviens sur le sujet de la finance, et sur un sujet scientifique controversé avoir ainsi entendu parler du concept de « modèle précisément faux ». Ce concept me parle d'autant plus que l'ai optimisé les moteurs de calculs de tels modèles, et que j'ai pu être sensibilisé aux limites des modèles (ce qui explique pourquoi Taleb ne me surprend pas).
La conclusion est qu'il ne faut pas chercher à tout comprendre et modéliser, mais qu'il faut concevoir un système qui s'adapte, se réorganise, malgré ou grâce aux imprévus. Les modèles simples et phénoménologiques, avec de bonnes marges de sécurité sont à préférer aux modèles « full physics ». Ces modèles « esthétiques », malheureusement calculables aujourd'hui, que l'on promeut et sont responsable de grandes erreurs, assez difficile à accepter, vu l'investissement énorme effectué.
C'est une vision qui peut inspirer les innovateurs en vision froide, et les rendre moins timides face à l'absence de théorie. Il faut probablement prévoir à s'adapter à l'incertitude de la réaction, à en profiter, à la défier par des changements, via des politiques de contrôle-commande dynamiques.
Il avance aussi une autre heuristique utile à la prévision du futur. Il soutient que les prévisions du futur quand elles annoncent des nouveautés ne sont jamais réalisées. Par contre pour lui, ce qui est prévisible c'est la disparition de caractéristiques déplaisantes. On pourrait ainsi prévoir la disparition du fil du téléphone, du carburant et de la fumée des automobiles, du conducteurs automobile, du travail ennuyeux, du trajet domicile-travail, des achats ennuyeux en magasin, les aéroports, les gares, les lignes de chemin de fer, les autoroutes, le bruit... comment ? On ne sait pas, c'est parfois fait, mais il est clair que dès que ce sera possible, ce sera fait. Pour le reste, c'est un cygne noir... et qui nous dit que dans 20 ans un EmDrive alimenté par un réacteur LENR en conversion thermoïonique directe, dans un sac à dos léger, ne nous permettra pas d'aller voler tranquillement chez nos amis, ou vers le Tibet, protégé de la pluie par un champ de force inimaginable aujourd'hui.
Pour prévoir l'avenir que va changer la fusion froide, il faut donc d'abord voir ce que la fusion froide pourra ENLEVER. La fumée des voitures des cheminées ;  les lignes à haute tensions ;  les pompes à essences ; les gares et aéroports ; les voitures dangereuses pour les enfants en ville, pour les vélos à la campagne ; la connexion au réseau électrique, au réseau de gaz, voir à l'eau potable ; les fils électriques des fours, des radiateurs, des fers à repasser, des machines à laver, des télévisions ; les chargeurs des téléphones, des ordinateurs...

L'effet « Lindy »

Il ajoute une autre heuristique complémentaire, « l'effet Lindy » qui est que comme les espèces antifragiles, les inventions ont une espérance de vie future égale à leur âge. Si elles ont survécu, c'est qu'elles ont de bonnes raisons et résistent bien aux changements. Ce qui est ancien, comme la chaussure, va durer longtemps probablement. Ce qui est jeune, comme le clavier, ne vivra probablement pas vieux.
On peut donc estimer que la voiture, l'avion, le téléphone devraient persister. La prise de courant, même si elle est vouée à disparaître pourrait survivre plus longtemps qu'on ne l'imagine.
Taleb donc apporte une méthodologie pour prévoir le futur, en complément d'autres approches.

Sa peau en jeu (« skin in the game »)

Taleb avance aussi un concept intéressant, le besoin que les preneurs de risques, souffrent de leurs erreurs. Le code d'Hammourabi imposait ainsi que si une maison s'écroulait et tuait son propriétaire, le bâtisseur était condamné à mort. On est loin des cadres exécutifs « antifragiles » qui rebondissent d'entreprises coulées en entreprises fragilisées... Pour connecter les prises de risques à la réalité, sans être suffisant, il est nécessaire que ceux qui fragilisent le système, soient lourdement sanctionnés si leur confiance infondée détruit le système (lire [skin-proj]).
En fusion froide, les acteurs se sont souvent lourdement investis et ont souvent payé cher leur dissidence. Le problème est que je ne vois pas comment la plupart pourraient bénéficier du développement de la fusion froide. Pire encore, connaissant le comportement du monde académique, je soupçonne qu''ils soient enterrés pour cacher la tragédie au public, au bénéfice de héros bien propres et bien académiques.
En face certains acteurs comme Huizenga ou Shanahan se sont investis publiquement, et pourrait risquer une sanction. Dans le même style, comme pour les banquiers, je soupçonne qu’ils soient sauvés de la faillite par le monde académique, et tout au plus enterrés proprement dans la discrétion et le confort, après une vie de gloire.
On voit ainsi l'antifragilité du monde académique, qui profite de tout, vrai ou faux, tant que c'est consensuel. Via des comités de lecture et des comités de financement, des jurys de prix scientifiques, le consensus s'alimente lui-même malgré la réalité. A l'opposé, hors entreprise, il n'y a rien de réel qui pousse des chercheurs à risquer leur carrière face à un monde académique en rang serré, qui bloque la réalité aussi longtemps que possible, c'est à dire jusqu'à ce qu'une application soit développée et vendue. Seul l'irrationalité a sauvé le système, ou comme certains le disent des calculs imparfaits similaires à l'erreur de Christophe Colomb. J'imagine que les héros de la fusion froide ont pensé que le chemin serait plus court, et couronné de gloire.
Au final, ce sont les industriels et inventeurs qui eux ont mis « leur peau en jeu », pour les pertes, mais aussi pour les gains. Il est donc logique que ce soit par eux que le progrès arrive, et la réalité apparaisse. Ils n'ont aucun bénéfice à soutenir un mythe consensuel comme le monde académique, ni aucun intérêt à cacher une réalité féconde.

Épilogue

Le livre de Taleb est dix fois plus riche que ces quelques points, mais déjà on voit bien comment l'histoire de la fusion froide prend un sens évident, et naturel dans ce cadre.
On peut déjà prévoir le futur proche :
·       Une réécriture de l'histoire pour blâmer les pionniers, et récompenser un académique bien propre.
·       L'utilisation de la fusion froide pour faire disparaître des éléments superflus, comme le carburant, la pollution, les fils et lignes électriques, les accidents, le temps perdu...
·       Des innovations inimaginables, et pas les mythes habituels

Références

Pour la traduction des textes entre français, et anglais, n'hésitez pas à utiliser Google Translation, et Bing translation.
·       [taleb-medconvexity] http://www.fooledbyrandomness.com/medconvex


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