Nassim Nicholas Taleb et la fusion froide
Introduction
Peter Gluck a bien noté le fait que je cite
fréquemment Nassim Nicholas Taleb lors des conversations, et c'est pourquoi il
m'a proposé d'écrire ce petit article qui décline la philosophie de Taleb dans
le contexte de la fusion froide (LENR).
Je ne prétends pas avoir tout compris de
Taleb, et cet article est donc une base de discussion. Je ne doute pas non plus
que la philosophie assez radicale de Taleb ne convainque pas tout le monde.
Antifragile, comme les précédents livres de
Nassim Nicholas Taleb est un livre riche, mais basé sur quelques idées simples.
Taleb, un ancien trader de volatilité, d'origine levantine (Liban, Syrie),
orthodoxe, éduqué en France et aux USA, écrit de façon acérée, parfois brutale
et agressive contre ceux qu'il juge responsable de mettre notre société en
danger de mort. Son profil me rappelle plus ou moins Nouriel Roubini, Jean-Paul
Biberian, Martin Fleischmann, Dan Shetchman, et ils correspondent tous à la
description de « l'étranger » dont parle Norbert Alter, cet homme
ayant vécu dans une autre culture (que ce soit un autre pays, un autre métier,
une autre technologie, un autre type d'organisation) qui peut comprendre que la
façon dont les choses se font n'est pas la seule possible.
Voici quelques notes de lectures de
Antifragile, mais aucune qui ne retient toute la substance de ce livre :
[antifragile-wsj], [antifragile-continuations] , [antifragile-nytimes] ,
[antifragile-dunbar]. Mais le mieux reste de lire ce livre, et d'éviter le
café, car ce livre peut choquer.
Les cygnes noirs (Blackswan)
Le livre « Antifragile » est un
développement de l’œuvre de Taleb concernant le concept de « cygne
noir », et l'importance du hasard radical, les « inconnus
inconnus » voir « inconnaissables ».
Un « cygne noir » est un événement
qui était supposé impossible, car il
n'avait été jamais observé. Ces cygnes noirs portent historiquement l’essentiel
des catastrophes, des révolutions, des découvertes radicales, des bénéfices et
des pertes financières. Ils sont ignorés, imprévisible par définition, mais
dominent les événements prévisibles en importance.
Il n'y a rien de magique dans leur
existence, car étant rare, mais très nombreux, il est probable que nous ne les
ayons jamais vu le jour où on les observe. Toute prévision basée sur le passé
est donc absurde, car elle ignore ce qui a l'impact le plus fort, les cygnes
noirs. Taleb parle ainsi de l'histoire de la dinde de
« Thanksgiving », qui pourrait penser que les humains sont adorables
et la nourrissent bien pour son confort. Jusqu’au jour où elle sera servie au
dîner. C'est ainsi que pour Taleb, l'analyse du passé trop récent avec trop de
détail est dangereuse, car il donne une fausse confiance.
La prédiction des cygnes noirs du passé ?
Taleb rappelle malgré tout que « a
posteriori » nous sommes souvent tentés de retrouver des raisons de
prévoir les cygnes noirs dans le passé. Par exemple le tsunami de Sendai qui a
tué 20000 personnes et ravagé la centrale de Fukushima, était prévisible depuis
quelques dizaines d'années, car la faille sismique que l'on pensait coulissante
(et donc limitée à des séismes de force 7) apparaissait finalement comme
accumulant des contraintes (permettant des séisme de force 9). Dans la zone,
malgré une amnésie collective, on a trouvé il y a plusieurs siècles, des traces
de tsunami comparable. Mais c'est une réécriture de l'histoire, et le fait est
que personne n'avait réellement intégré ces faits scientifiques.
Un autre exemple est la prévision détaille
de la crise des « subprime » par Nouriel Roubini, qui comme Taleb,
Fleischmann, Shechtman, Wegener, Wright, Semmelweis a été raillé par le
consensus, malgré les preuves rétrospectivement évidentes.
En ce sens la fusion froide est un cygne noir
caché en pleine vue, comme le séisme de Sendai. La fusion-froide va
désintégrer, vitrifier, anéantir toutes les planifications, toutes les
prévisions, détruire des milliers de milliards d'investissements, en en créant
bien plus encore, en donnant le pouvoir à certains et en le reprenant à
d'autres, vidant de leur sens des milliers de pages de réglementation et de
loi. Elle redistribuera les cartes géopolitiques, les cartes sociologiques, les
cartes démographiques, écologiques, scientifiques, académiques, politiques...
Pourtant ce risque enthousiasmant et terrifiant, n'est même pas considéré par
ceux qui pourraient en souffrir ou en bénéficier. Je ne parle pas de se
positionner en pensant que la fusion froide existe forcément (comme je le
fait), mais simplement de se protéger au cas improbable où la fusion froide
soit réelle... comme on cherche à se protéger des astéroïdes, d'un défaut sur
la dette souveraine de la France, ou du réchauffement/refroidissement
climatique catastrophique. Ce fait simple, comme d'autres situations similaires
me semble terrifiant d'aveuglement. C'est malheureusement un cas général, qui
me désespère.
Hors du message de Taleb, cette cécité
cognitive est à rapprocher des travaux de deux auteurs que j'ai découvert et
qui m'ont permis de formaliser ce que j'avais observé.
D'un côté Thomas Kuhn (un résumé en
anglais: [kuhn-sj] , en français :
[kuhn-cnam] ) dans « Structure of Scientific Revolutions » explique
bien cette incapacité à convaincre les tenants de l'ancien paradigme. Ils sont
incapables de voir les anomalies dans leurs paradigmes, incapables de
considérer les preuves qui ne sont pas de leur monde. Ils sont daltoniens sur
une mer de drapeaux rouges. Pour Kuhn cette cécité est à rapprocher de la
transition cognitive observée durant l'observation du canard-lapin ([canard-lapin]).
Une évidence quand on a accepté le point de vue, invisible avant.
De l'autre côté Roland Benabou lui présente
un modèle économétrique simple qui explique rationnellement les illusions
collectives et la pensée de groupe observée dans les bulles financières,
certaines catastrophes industrielles ou
financières. Son modèle (voir : [benabou-delusion], et pour des exemples
l'appendice « patterns of denial ») est basé sur l'observation que
les humains peuvent ignorer des faits pour protéger leurs estimation de
richesse, plutôt que leur richesse. Cela se produit quand les individus ne
peuvent échapper aux conséquences négatives de l'illusion collective par une
lucidité individuelle. Un mécanisme d'illusion collective assuré (« Mutual
Assured Delusion ») stabilise le système dans une ignorance des faits
dérangeants, assurée par une violence brutale contre les dissidents qui
augmente quand la vérité se rapproche. L'illusion descend la chaîne
hiérarchique.
Sans véritablement être poussé par Taleb ces
deux concepts de cécité cognitive, soit une cécité « d'incompétence
paradigmatique » pour Kuhn, soit une cécité « mutuellement
assurée » pour Benabou, expliquent qu'il puisse exister des cygnes noirs
alors que les informations sont publiques et les probabilités facilement
estimables. D'une certaine manière c'est ce qu'en France on appelle « un
éléphant dans le salon ». Un fait clair que tout le monde refuse de voir,
et qui surprendra le jour où on ne pourra plus ignorer son existence.
La fusion froide sera donc un cygne noir,
malgré le fait qu'elle est prouvée depuis 20 ans, et qu'il y a de fortes
suspicions qu'elle soit industrialisable depuis 3 ans. C'est un éléphant dans
le salon, comme la crise des « subprimes » en 2005, l'explosion de la
bulle internet en 2000, et d'autres que je ne citerais pas mais qui commencent
à faire du bruit dans le salon de la science consensuelle, sans que l'on ne
comprenne d’où cela vient. Ce serait hilarant si ce n'était pas tragique.
Concavité, convexité, fragilité, robustesse et
antifragilité
Antifragile va au-delà du concept de cygne
noir pour s'attaquer à la question de comment les systèmes, financiers,
biologiques, techniques, se comportent face à un cygne noir, où plus
généralement à un imprévu ou à un changement d'environnement quelconque.
Taleb était trader de volatilité, et son
métier lui a permis de comprendre que certaines entreprises souffrent, et
d'autres profitent des surprises. C'est tout le sujet du livre que d'introduire
ce concept, et notamment le mot « antifragile » qui n’existait pas,
décrivant les systèmes qui profitent des surprises. Il est d'ailleurs bien
instructif d'observer que ce mot n'existait pas alors que nous connaissons tous
des gens, des entreprises, des communautés, des animaux, qui profitent des
changements, des catastrophes, des révolutions, pour se développer. Taleb
explique biens que le monde n'est pas contraint par les dictionnaires.
Il introduit un concept mathématique, celui
de convexité et de concavité (voir [taleb-medconvexity]) pour expliquer comment
les changements peuvent causer des effets très différents selon le système. Un
système convexe va souffrir un peu de certain changements, mais va profiter
beaucoup d'autres changements. Il sera « antifragile » et se
développera d'autant plus vite que le monde change et le surprend. A l'opposé
un système concave va profiter un peu de certains changements, mais souffrira
beaucoup d'autres changements. Il sera « fragile ». Entre les deux il
y aura les systèmes robustes, qui sont assez linéaires, et sans grand intérêt
ici, sauf qu'il s'agit des hypothèses linéaires sur laquelle se basent les
théories et les planifications de notre monde moderne.
Taleb explique ainsi que les organisations
qui se basent sur des prévisions du futur, se rendent de plus en plus fragile,
pour des gains de plus en plus faibles. C'est ce que font les institution
financières utilisant des modèles de gestion de risques compliqués, ou les
installations industrielles qui modélisent tous les risques apparemment
possibles. A la première surprise, tout s'effondre. C'est aussi ce qui se
produit pour tout système que l'on essaye de maintenir dans un état trop
stable, humains, économies, machines. Tout a tendance à devenir instables avec
le temps et les imprévus, et là les transitions sont brutales, ingérables, et
les acteurs n'ont aucune expérience pour les gérer. Il dénonce ainsi le travail
de la banque centrale américaine, et je ne peux que faire le parallèle avec le
système français, que j'aime mais qui nous rend si fragile.
A l'opposé il parle des systèmes
antifragiles. Les systèmes vivants sont naturellement antifragiles (dans des
limites raisonnables). Il explique aussi que les systèmes antifragiles sont
composés de composants fragiles individuellement, qui lui permette de se
reconfigurer. Il parle ainsi des restaurants, des taxis, des marchés
traditionnels, des espèces, des civilisations... J'y vois aussi l'économie
informelle des pays en développement, qui résiste bien aux crises financières.
Maintenant en quoi la fusion froide est-elle
concernée.
Quand j'ai lu l'état des papiers vers 1993,
j'avais été frappé par le fait que la fusion froide apparaissait dans des situations
« hors-équilibre », et bénéficiait des changements de
l'environnement. J'ai aussi vu comment la méthode scientifique luttait contre
ces changements au lieu d'essayer de les contrôler. La fusion froide serait
donc « anti-fragile » dans une certaine mesure. Et le comportement de
la science académique serait donc très « fragile ». La vision de
Kozima que la fusion froide est sensible de façon « chaotique » aux
paramètres confirme cette vision.
Pourtant, la communauté scientifique de la
fusion froide semble grâce à sa grande variété, et à la manie de chaque chercheur d'ajouter sa petite
touche personnelle, se comporter comme un système antifragile. Elle viole la
méthode scientifique en ne reproduisant pas les expériences à l'identique, pas
plus que la reproduction animale n'est exacte. Cela donne à la communauté des
scientifiques « non-planifiés », « non-orthodoxe » une
richesse de comportement antifragile, malgré des acteurs individuels tentant
désespérément de suivre leur théorie préférée, et de contraindre la réaction
LENR dans un environnement stable qui ne lui convient pas, mais qui facilite la
construction théorique.
Un autre point, si on suit le modèle de
Thomas Kuhn, est que la science quand elle se « normalise » (au sens
de Kuhn) en établissant un paradigme confortable, devient de plus en plus
fragile, car elle devient incapable de profiter de ce qui sort de ses
prévisions.
Une piste pour créer une version
« antifragile » de la fusion froide, est évoquée dans la communauté.
C'est que le manque de reproductibilité de la fusion froide lors des
électrolyses, pourrait être contrôlée par l'usage d'une poudre ou mousse (ou
autre composant, comme la surface du fil de Celani) dont chaque composant à une
efficacité variable, et dépends des paramètres de façon variable. On peut même
imaginer que les grains réactifs puissent aléatoirement activer les inactifs,
ou les désactiver... Dans ce cadre, les changements pourraient réactiver une
réaction dans une logique de contrôle « antifragile ». L'essentiel
serait donc de maintenir une variété dans la population de grains.
Optionalité : l'essai-erreur est le secret
de l'innovation
Taleb explique que le secret de
l'antifragilité est « l'optionalité ». Étant financier, Taleb connaît
bien le concept d'option financière, un contrat qui pour un prix modique permet
d'acheter ou de vendre un bien à un prix donné, et que l'on peut ou pas
utiliser selon que c'est avantageux ou pas.
Il explique que ce concept peut s'appliquer
aux choix de la vie, et qu'il faut rechercher ce genre de situation où l'on
peut gagner beaucoup, mais refuser de perdre si ça ne marche pas.
Il propose aussi un style d'exposition aux
risques. Le but est de prendre des petits risques, sous formes d'options pour
des gains illimités improbables et des pertes modestes. Il conseille aussi
d'éviter les risques « contrôlés » qui ne sont jamais vraiment
contrôlés, mais sous-estimés. Au final il conseille un mode de vie entre un
socle de survie très solides (une épargne sûre, un métier confortable), et des prises
de risques sous forme d'options sans limite de gain, mais avec des pertes
acceptables.
Il explique que c'est ce que font les
inventeur, les innovateurs, lors qu'il recherchent selon la méthode des
« essais-erreurs »( voir [thesis-innov]). Pour lui le mieux est
d'essayer tout ce qui est improbable, mais peu coûteux d’expérimenter. Il y
aura un nombre important d'échecs peux coûteux, mais bien plus de réussites que
prévu, et les réussites produiront des bénéfices parfois gigantesques. Il note
que beaucoup de grands scientifiques et inventeurs mélangeaient un bon métier
tranquille, et des recherches spéculatives (Einstein, Lavoisier,…).
Il s'attaque donc à la science planifiée,
qui tente de trouver des innovations là où cela semble probable, même quand
cela est coûteux. Je ne peux m'empêcher de penser à la fusion chaude (Tokamak, confinement
inertiel). Il s'oppose plus généralement à tout ce qui est gros, « too big
to fail », et j'y vois un rejet général de la « big physics »,
au profit de recherches hétéroclites. Il dénonce aussi le financement public
centralisé, qui se fait au détriment du financement privé.
A l'opposé je le vois bien avoir poussé la
recherche peu coûteuse sur la fusion froide, soutenir l'équipe chinoise qui
teste l'EmDrive de Shaywer, soutenir les tests de fusion par cavitation, à la
condition de ne pas s'entêter dans des voies sans issue. L'approche edisonienne
de Rossi devrait lui plaire tout autant. Il ne serait pas plus surpris qu'une
percée majeure soit faite par une bande d'ingénieurs entreprenant tentant de
sauver un pays en faillite, et l'aidant à regagner sa fierté antique.
Sa position rejoint diverses positions de
spécialiste de l'innovation comme Norbert Alter ([alter-innov-fr])
Enseigner aux oiseaux à voler (Lecturing birds
how to fly)
Taleb est très dur envers le monde
académique qui de son point de vue, tente de faire croire que la théorie permet
est essentielle à la pratique des technologies.
Sur la fusion froide, je vois l'expression
de ce problème dans le mépris bien visible des détenteurs de la grande
physique, envers les praticiens de l'électrochimie, la radiochimie, voir
récemment le mépris des inventeurs de garage, des ingénieurs.
J'observe sur la fusion froide que la
focalisation sur la théorie au détriment de l'acceptation des faits
expérimentaux, a fait un tort infini à la fusion froide. Cela a créé une
incapacité pathologique pour les physiciens dominants d'accepter les faits.
Cela a poussé les revues dominantes à exiger des positions théoriques, qui
n'étaient pas encore possibles de façon solides. Cela a poussé les physiciens
de la fusion froide à proposer des théories plus ou moins révolutionnaires,
mais jamais irréprochables, qui ont ridiculisé le domaine. Cela a poussé, un
temps, la communauté de chercheurs de la fusion froide à moquer les chercheurs
comme Miley qui expérimentaient avec de l'hydrogène légère et du nickel.
Il est clair que les plus enthousiastes des
supporters de la fusion froide (dont moi au début), se sont fait piéger en
croyant que la fusion froide ne pouvait pas voler si on ne lui faisait pas un
cours d'aérodynamique.
Comme d'habitude, l'histoire a démontré que
ce sont des inventeurs de garages, des pratiquants, les chercheurs de terrain,
qui ont fait les percées. D'abord de fantastiques expérimentateurs de classe
internationale comme Fleischmann, McKubre ou Bockris (j'en oublie), puis pour
les percées le plus folles, les plus inimaginables : un italien têtu et
fantasque, blessé profondément par une injustice judiciaire, et des grec expatriés
désespéré par l'effondrement de leur patrie.
L'histoire est écrite par les perdants (History
being written by the losers)
Dans la suite de sa diatribe contre le monde
académique, Taleb explique comment le monde académique parvient à réécrire
l’histoire des innovations, pour justifier de sa propre dominance, et celle de
la théorie, face aux vrais inventeurs praticiens. Il reprend divers exemples,
donc celui des calculs de prix d'options financières, mais aussi le réacteur d'avion.
Je pourrais compléter la liste avec les semi-conducteurs, l'avion, le réacteur
nucléaire.
A chaque fois, l'histoire officielle fait
croire que c'est par une percée théorique qu'une invention a vu le jour. On
cache aussi l'importance des actes de harcèlement immondes, les insultes, les
débats ridicules « a posteriori », et on sème le doute sur la
compétence, la rigueur des inventeurs, et sur l'importance de leurs
découvertes.
J'ai contacté une telle réécriture de
l'histoire en France sur des sites d'information scientifique à propos de Dan
Shechtman. Sur la fusion froide il semble que le film « The
Believers » se prépare à accuser Fleischmann et les autres chercheurs de
manque de rigueur, pour faire passer l'incompréhensible incrédulité. La façon
dont l'histoire des frères Wright continue à être réécrite est édifiante.
Je m'attend donc à ce que dans les mois qui
viennent, après une période de déni ridicule et de terreur désespérée contre
les dissidents de la dernière heure, les média scientifiques académiques
(« SciAm », « La Recherche », « Nature »,
« Science » « MIT », « Futura-Science »)
inventent une fable ridicule pour nous, expliquant comment un laboratoire
académique à découvert le moyen de prouver la fusion froide et de
l'industrialiser, malgré le travail lamentables de pionniers ridicules et
d'industriels incompétents.
Moins c'est plus (Less is more)
Un concept clé de la vision de Taleb est que
l’information n'est pas bénéfique, mais cache les faits. Elle donne une
confiance fallacieuse dans une modélisation du futur qui sera d'autant plus
surprenante que le modèle est précis. Je me souviens sur le sujet de la
finance, et sur un sujet scientifique controversé avoir ainsi entendu parler du
concept de « modèle précisément faux ». Ce concept me parle d'autant
plus que l'ai optimisé les moteurs de calculs de tels modèles, et que j'ai pu
être sensibilisé aux limites des modèles (ce qui explique pourquoi Taleb ne me
surprend pas).
La conclusion est qu'il ne faut pas chercher
à tout comprendre et modéliser, mais qu'il faut concevoir un système qui
s'adapte, se réorganise, malgré ou grâce aux imprévus. Les modèles simples et
phénoménologiques, avec de bonnes marges de sécurité sont à préférer aux
modèles « full physics ». Ces modèles « esthétiques »,
malheureusement calculables aujourd'hui, que l'on promeut et sont responsable
de grandes erreurs, assez difficile à accepter, vu l'investissement énorme
effectué.
C'est une vision qui peut inspirer les
innovateurs en vision froide, et les rendre moins timides face à l'absence de
théorie. Il faut probablement prévoir à s'adapter à l'incertitude de la
réaction, à en profiter, à la défier par des changements, via des politiques de
contrôle-commande dynamiques.
Il avance aussi une autre heuristique utile
à la prévision du futur. Il soutient que les prévisions du futur quand elles
annoncent des nouveautés ne sont jamais réalisées. Par contre pour lui, ce qui
est prévisible c'est la disparition de caractéristiques déplaisantes. On
pourrait ainsi prévoir la disparition du fil du téléphone, du carburant et de
la fumée des automobiles, du conducteurs automobile, du travail ennuyeux, du
trajet domicile-travail, des achats ennuyeux en magasin, les aéroports, les
gares, les lignes de chemin de fer, les autoroutes, le bruit... comment ?
On ne sait pas, c'est parfois fait, mais il est clair que dès que ce sera
possible, ce sera fait. Pour le reste, c'est un cygne noir... et qui nous dit
que dans 20 ans un EmDrive alimenté par un réacteur LENR en conversion
thermoïonique directe, dans un sac à dos léger, ne nous permettra pas d'aller
voler tranquillement chez nos amis, ou vers le Tibet, protégé de la pluie par
un champ de force inimaginable aujourd'hui.
Pour prévoir l'avenir que va changer la
fusion froide, il faut donc d'abord voir ce que la fusion froide pourra
ENLEVER. La fumée des voitures des cheminées ; les lignes à haute tensions ; les pompes à essences ; les gares et
aéroports ; les voitures dangereuses pour les enfants en ville, pour les
vélos à la campagne ; la connexion au réseau électrique, au réseau de gaz, voir
à l'eau potable ; les fils électriques des fours, des radiateurs, des fers
à repasser, des machines à laver, des télévisions ; les chargeurs des
téléphones, des ordinateurs...
L'effet « Lindy »
Il ajoute une autre heuristique
complémentaire, « l'effet Lindy » qui est que comme les espèces
antifragiles, les inventions ont une espérance de vie future égale à leur âge.
Si elles ont survécu, c'est qu'elles ont de bonnes raisons et résistent bien
aux changements. Ce qui est ancien, comme la chaussure, va durer longtemps
probablement. Ce qui est jeune, comme le clavier, ne vivra probablement pas
vieux.
On peut donc estimer que la voiture, l'avion,
le téléphone devraient persister. La prise de courant, même si elle est vouée à
disparaître pourrait survivre plus longtemps qu'on ne l'imagine.
Taleb donc apporte une méthodologie pour
prévoir le futur, en complément d'autres approches.
Sa peau en jeu (« skin in the game »)
Taleb avance aussi un concept intéressant,
le besoin que les preneurs de risques, souffrent de leurs erreurs. Le code
d'Hammourabi imposait ainsi que si une maison s'écroulait et tuait son
propriétaire, le bâtisseur était condamné à mort. On est loin des cadres
exécutifs « antifragiles » qui rebondissent d'entreprises coulées en
entreprises fragilisées... Pour connecter les prises de risques à la réalité,
sans être suffisant, il est nécessaire que ceux qui fragilisent le système,
soient lourdement sanctionnés si leur confiance infondée détruit le système
(lire [skin-proj]).
En fusion froide, les acteurs se sont
souvent lourdement investis et ont souvent payé cher leur dissidence. Le
problème est que je ne vois pas comment la plupart pourraient bénéficier du
développement de la fusion froide. Pire encore, connaissant le comportement du
monde académique, je soupçonne qu''ils soient enterrés pour cacher la tragédie
au public, au bénéfice de héros bien propres et bien académiques.
En face certains acteurs comme Huizenga ou
Shanahan se sont investis publiquement, et pourrait risquer une sanction. Dans
le même style, comme pour les banquiers, je soupçonne qu’ils soient sauvés de la
faillite par le monde académique, et tout au plus enterrés proprement dans la
discrétion et le confort, après une vie de gloire.
On voit ainsi l'antifragilité du monde
académique, qui profite de tout, vrai ou faux, tant que c'est consensuel. Via
des comités de lecture et des comités de financement, des jurys de prix
scientifiques, le consensus s'alimente lui-même malgré la réalité. A l'opposé, hors
entreprise, il n'y a rien de réel qui pousse des chercheurs à risquer leur
carrière face à un monde académique en rang serré, qui bloque la réalité aussi
longtemps que possible, c'est à dire jusqu'à ce qu'une application soit
développée et vendue. Seul l'irrationalité a sauvé le système, ou comme
certains le disent des calculs imparfaits similaires à l'erreur de Christophe
Colomb. J'imagine que les héros de la fusion froide ont pensé que le chemin
serait plus court, et couronné de gloire.
Au final, ce sont les industriels et
inventeurs qui eux ont mis « leur peau en jeu », pour les pertes,
mais aussi pour les gains. Il est donc logique que ce soit par eux que le
progrès arrive, et la réalité apparaisse. Ils n'ont aucun bénéfice à soutenir
un mythe consensuel comme le monde académique, ni aucun intérêt à cacher une
réalité féconde.
Épilogue
Le livre de Taleb est dix fois plus riche
que ces quelques points, mais déjà on voit bien comment l'histoire de la fusion
froide prend un sens évident, et naturel dans ce cadre.
On peut déjà prévoir le futur proche :
·
Une réécriture de
l'histoire pour blâmer les pionniers, et récompenser un académique bien propre.
·
L'utilisation de la
fusion froide pour faire disparaître des éléments superflus, comme le
carburant, la pollution, les fils et lignes électriques, les accidents, le
temps perdu...
·
Des innovations
inimaginables, et pas les mythes habituels
Références
Pour la traduction des textes entre
français, et anglais, n'hésitez pas à utiliser Google Translation, et Bing
translation.
·
[antifragile-wsj] http://online.wsj.com/article/SB10001424127887323353204578128872051100906.html
·
[antifragile-continuations]
http://continuations.com/post/51065634453/antifragile-by-nassim-taleb-book-review
·
[antifragile-nytimes]
http://www.nytimes.com/2012/12/17/books/antifragile-by-nassim-nicholas-taleb.html?pagewanted=all&_r=0
·
[kuhn-sj] http://fr.slideshare.net/sandhyajohnson/the-structure-of-scientific-revolutions-thomas-kuhn-book-summary
·
[kuhn-cnam] (fr) http://www.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877018064
·
[canard-lapin] (fr) http://fr.wikipedia.org/wiki/Canard-lapin
(en) http://en.wikipedia.org/wiki/Rabbit%E2%80%93duck_illusion
·
[benabou-delusion] http://www.princeton.edu/~rbenabou/papers/Groupthink%20IOM%202012_07_02%20BW.pdf
·
[alter-innov-fr] (fr) http://www.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877017789
·
[skin-proj] (fr)http://www.project-syndicate.org/commentary/improving-managers--incentives-by-nassim-nicholas-taleb/french
(en) http://www.project-syndicate.org/commentary/improving-managers--incentives-by-nassim-nicholas-taleb
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